Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

Ange (Charly) par Thierry Bellefroid
« Ange », tome 10 de la série Charly, par Magda et Lapière. Chez Dupuis.

Il a bien grandi, Charly, depuis ses débuts dans « Jouet d'enfer ». L'un des aspects attachants de la série de Denis Lapière et Magda est justement de ne pas avoir figé le héros une fois pour toutes dans une époque. Cela permet aujourd'hui d'aborder des thèmes plus adultes. Charly rencontre sa première petite amie et Lapière n'hésite pas à faire de cette première idylle une histoire forte et « chaude ». En évitant toute vulgarité, l'auteur a tout de même réussi à amener Charly sur un terrain inattendu. Ange est une fille provocante, mystérieuse et va bouleverser la vie de notre héros, pourtant déjà différent des amis de son âge en raison de son passé. C'est justement ce passé, le personnage qu'il s'est construit au travers de ses prémonitions, qui vont attirer Ange vers lui. Mais la jeune fille cache un secret qui fait basculer le récit dans le fantastique. Peut-être Lapière amène-t-il les éléments de ce puzzle un peu trop vite dans le récit, tuant en même temps une certaine forme d'émotion. Toujours est-il que ce dixième tome prouve que le scénariste n'a pas usé toutes ses cartouches et peut encore nous surprendre.
L'oeil Fé (Algernon Woodcock) par Thierry Bellefroid
« Algernon Woodcock : L'Oeil Fé, première partie », par Gallié et Sorel. Chez Delcourt.

Il y a un petit quelque chose de Edgar Alan Poe dans cette nouvelle traduite en bande dessinée. Le climat tout d'abord. Mystérieux, puis inquiétant et enfin, flirtant de près avec le fantastique. L'écriture ensuite. Précise, pour ne pas dire précieuse, un rien désuète, sans qu'il faille prendre ce mot dans son acception péjorative. Pourtant, les auteurs fétiches de Gallié et Sorel seraient plutôt à trouver parmi les Conan Doyle et Robert Louis Stevenson. Quoi qu'il en soit, leur nouvelle série promet d'être au carrefour de la nouvelle fantastique, du roman d'aventures et de la chronique d'un médecin de campagne. Sorel plante le décor avec une justesse magistrale. Ses couleurs et ses ambiances de lande écossaise ajoutent au mystère général. Sa mise en scène vient en renfort sans étouffer ni le texte ni la lisibilité. Quant à l'histoire, elle est tout simplement passionnante et devrait entraîner le lecteur dans une succession de diptyques (quatre en tout) explorant l'étrange personnalité de ce médecin atypique, aussi intelligent qu'il est petit. Un très bon début de série !
Le mauvais oeil (Violine) par Thierry Bellefroid
« La mauvais oeil », tome 2 de Violine. Par Tronchet et Tarrin. Chez Dupuis.

Passée la ressemblance évidente du dessin de Tarrin avec celui de Conrad, on ne peut que craquer pour cette petite Violine. La voilà qui part au Zongo, à la recherche de celui qu'elle pense être son père, le roi Romuald II. L'occasion, pour Tronchet, de faire vivre à cette petite fille qui n'a peur de rien, des aventures plus exotiques que dans le premier album. Le divertissement est réussi, Violine et sa souris mettent un joyeux bordel au village zongolais avant de s'embarquer avec Kombo, le sorcier alcoolique, pour de palpitantes aventures au château (je ne vous en dis pas plus). C'est drôle, plein de trouvailles visuelles, gentiment impertinent. Les pirates du début réapparaissent un peu facilement dans la dernière page et d'autres séquences s'enchaînent un peu trop bien, mais Tronchet n'a manifestement jamais eu pour ambition d'être réaliste dans cette série. Alors, ne boudons pas notre plaisir...
« Coeurs de palmier », une aventure de Samedi & Dimanche, par Vehlmann et Gwen, chez Dargaud.

Album après album, Vehlmann nous confirme son talent. Il nous l'assène, même. On ne s'en plaindra pas. Surtout qu'avec « Samedi & Dimanche », le scénariste explore sa face tendre, drôle et poétique. Sujet de cette nouvelle aventure : le coup de foudre d'un hyper-timide. Samedi est comme Obélix, quand il est amoureux il est maladroit, hébété, mort de trac. Sur fond de révolution entre jeunes turbulents et vieux réacs, cette nouvelle histoire de lézards est un vrai bijou d'imagination et de drôlerie. On cherche vainement le talon d'Achille de ce deuxième volume. On ne le trouvera pas dans un scénario rythmé et touchant, drôle et plein d'énergie. On ne le trouvera pas davantage dans un dessin sensible, épuré et terriblement expressif. On ne le trouvera pas non plus dans les couleurs sans faute de Walter et Yuka. Samedi se prend un éléphant sur la tronche à chaque échec. Mais les auteurs aiment trop leurs personnages pour leur faire du mal. Comme dans un Tom & Jerry, tout peut arriver, rien ne fait vraiment mal, même se prendre un éléphant en pleine poire à intervalle régulier. On est plutôt dans le running-gag, le gimmick humoristique. Et c'est vrai qu'on finit par bien l'aimer, cet éléphant. Comme tous les personnages de cette petite île de papier qui nous enchantent à chaque apparition.
Peurs bleues (Edika) par Thierry Bellefroid
« Peurs bleues », Edika N°27, par Edika. Chez Fluide Glacial.

Il y a dans ce 27ème recueil d'histoires d'Edika tout ce qu'on peut attendre d'un album d'Edika. Bref, de l'absurde (beaucoup d'absurde, même), de la dérision, de l'auto-dérision, du délire total et hallucinogène, de l'imagination débordante, de la fesse, de la lippe et de la forte poitrine. Faut bien le dire, Edika ne s'épuise pas, il reste drôle et il arrive même à nous refourguer de vieilles idées en les justifiant par de savantes mises en abîme. Mais de temps à autre, sa méthode de travail anti-scénarisée peut lasser le lecteur. Les histoires partent dans tous les sens et ne s'achèvent que rarement, presque par hasard. A force, ça use un peu. Que cela ne vous empêche pas de vous ruer sur « Peurs bleues » comme sur ses 26 prédécesseurs ; on a beau savoir à quoi s'attendre, on se fait avoir à chaque fois. Et on en redemande.
Football carnage par Thierry Bellefroid
« Football carnage », par Jampur Fraize. Chez 6 Pieds Sous Terre.

Bon, je sais, la Coupe du Monde est déjà loin derrière et n'a pas laissé que de bons souvenirs, surtout en France. Mais ça n'empêche pas d'en rire. Et c'est ce que nous propose Jampur Fraize avec cet album déjanté qui ne respecte ni les règles du foot ni celles de la bienséance. Dans les matches que se livrent des équipes nationales tournées en dérision, les joueurs ont peur de salir leur maillot, mangent leur coéquipiers pour ne pas mourir de froid ou hypnotisent leurs adversaires, quand ils ne font pas fuir leurs supporters avec leurs brûlures au troisième degré. Le troisième degré, c'est exactement ce qui qualifie cette troisième mi-temps sur papier. Un album à ne surtout pas prendre au sérieux. Et à encore moins prendre pour une ode au foot.
Passion (Flamenco) par Thierry Bellefroid
« Flamenco », par Santos de Veracruz et Jorge Zentner. Chez Casterman.

Paru en même temps que sa nouvelle création en compagnie de Pellejero, ce one-shot de Zentner mérite amplement une lecture. Peut-être le dessin très pictural et bariolé de son complice Santos de Veracruz rebutera-t-il quelques lecteurs. Ils auraient tort de ne pas pousser plus loin. Cette tragédie lumineuse est racontée en expert par Jorge Zentner ; il ménage ses effets, donne de la profondeur à ses personnages, à leur malheur et leurs tourments. C'est toute l'âme espagnole -et principalement celle du flamenco- qu'il a réussi à emprisonner dans ces quelques pages. Dévotion -pour ne pas dire superstition-, fierté, fidélité et jalousie se partagent la vedette. Mais aucune ne peut rivaliser avec le destin. Et encore moins avec le chant de la mort, contenu tout entier dans ce livre tendu comme un archet.
« La lettre », tome 16 de Jérôme K. Jérôme Bloche. Par Dodier. Chez Dupuis.

Jérôme est en prison. Comme Largo Winch. Et comme lui, il y a fort à parier qu'il n'a aucune raison de s'y trouver. Du coup, Jérôme peut difficilement mener lui-même son enquête. Et il doit remettre son destin entre les mains de Babette. Excellente idée qui permet à Dodier de varier sa partition. Babette, détective privée par amour, peut évidemment explorer d'autres voies que son distrait fiancé. Et renouveler la série sans en avoir l'air. Tout cela donne un coup de frais à cet album qui bénéficie avantageusement de la longueur choisie par l'a uteur pour raconter son histoire. En faisant un diptyque -comme Largo Winch, décidément-, Dodier creuse davantage la psychologie de ses personnages et leur donne une épaisseur bienvenue. On ne s'en plaint pas et on achève la lecture de ce seizième album avec le sentiment d'avoir accompli un bout de chemin avec de vieux amis.
Les contes de par-ci par là par Thierry Bellefroid
« Les contes de par-ci par-là », par Escaich, Chen et Marazano. Chez Pointe Noire.

Qu'elle est mignonne, cette BD qui nous présente deux enfants qui n'arrivent pas à dormir parce que leur papa a oublié de leur raconter une histoire et qu'une gentille fée prend en charge. Elle les amène de conteur en conteur, en l'espoir de trouver celui qui parviendra à leur faire trouver le sommeil. Mais Lolo et Lola restent désespérément éveillés. Ca vous dit quelque chose ? Eh oui, c'est un peu le principe des « Contes des Mille et une nuits ». Mais Escaich a su le renouveler totalement et nous livrer par la même occasion un condensé de quelques contes qui empruntent chacun à une culture différente ses propres codes et façons de raconter. C'est vraiment très réussi, sans doute l'un des livres pour enfants les plus sympas de ces derniers mois. D'autant qu'il y a beaucoup d'humour dans tout ça. Le dessin est directement adressé aux enfants : rond, naïf, drôle ; il devrait les ravir !
« L'odyssée du temps - La pierre bleue, tome 2 ». Par Peroz et Graveline. Chez Paquet.

Tom, Stel et Solana -sans oublier Tago, le petit robot volant- continuent leur périple sur une île bien étrange où ils ont échoué au lieu de « L'île Verte » où ils devaient passer quelques semaines au contact de la nature comme tous les enfants de leur âge. Et ils découvrent le pouvoir stupéfiant d'une pierre qui leur permet d'effectuer des sauts temporels. Michèle Graveline, la scénariste, continue cette oeuvre aux accents de Robinson Crusoë du XXIème siècle en BD avec la même légèreté que dans le premier album. Destinée aux 8-12 ans, cette bande dessinée allie poésie, aventure et respect de la nature, puisque c'est l'un des thèmes centraux du projet, soutenu par la Fondation Nicolas Hulot. Au dessin, Maxime Peroz privilégie la lisibilité. Les ados trouveront forcément ça un peu ringard mais les enfants devraient accrocher et poursuivre l'aventure sur une site internet qui leur est entièrement dédié.
« Enfantillages », tome 3 de la série « Le meilleur de moi », par Dumez et Colonel Moutarde. Chez Dupuis.

Le premier m'avait séduit, le deuxième m'avait lassé, le troisième m'emballe. Dumez a choisi de s'éloigner des souvenirs d'adolescence et de la collectionnite aiguë pour se pencher sur les quelques moments de la vie quotidienne qui méritent d'être racontés avec humour. Et de l'humour, il en a. Comme il n'est pas le seul et que Colonel Moutarde ajoute beaucoup de second degré dans sa mise en images de ce carnet de bord du quotidien décalé, on se retrouve au final devant un excellent album. Un ton léger, sans prétention, qui vient confirmer la très bonne impression laissée par une couverture réussie. L'histoire la plus drôle est sans doute « Comédie en sous-sol ». En six pages, Dumez raconte comment un emplacement de parking inoccupé dans les sous-sol de votre immeuble peut vous pourrir la vie. « Enfantillages » est peut-être le plus réussi des trois albums de la série, c'est en tout cas le plus accessible et sans doute celui sur lequel la complicité entre Dumez et Colonel Moutarde est la plus évidente.
Table rase par Thierry Bellefroid
« Table rase », par Thomas Thorhauge, chez Rackham.

Labellisé « Meilleur album de bande dessinée de l'année 2001 » au Danemark, Table Rase a été comparé là-bas à un premier équivalent local à des oeuvres comme « L'ascension du Haut-Mal » ou « David Boring » (enfin disponible en français chez Cornélius, soit dit en passant). A la lecture de cet ouvrage en noir et blanc traduit en français par les éditions Rackham, on peut considérer que les critiques danois se sont peut-être enflammés un peu vite. C'est vrai, il y a une profondeur dans cette histoire qui place Thomas Thorhauge parmi les auteurs à suivre. Le chassé-croisé que se livrent la petite Petra et l'amnésique Mesmer permet de beaux moments. Mais il y a beaucoup d'incohérences dans ce scénario. Le personnage de « méchant » tenu par un certain Zimmermann sort un peu trop facilement de sa boîte et plusieurs scènes sont difficiles à comprendre à la première lecture. Il n'empêche, le propos est intéressant et une petite plongée dans la BD scandinave n'a jamais tué personne. Alors, si vous êtes curieux de savoir ce qui se produit au-delà des frontières de la francophonie, tentez l'aventure. Ces 80 pages en noir et blanc très stylisé, à l'américaine (on pense par exemple à Terry Moore en moins élégant tout de même) ne manquent pas de charme.
L'alliance (Les Aquanautes) par Thierry Bellefroid
« L'alliance », tome 3 des Aquanautes. Par Mallié et Parnotte. Chez Soleil.

Dans toute série, il y a toujours ce que le lecteur un peu déçu appelle un « album de transition ». Ce qui ne l'empêche généralement pas de trouver du plaisir à le lire, ni de garder un intérêt pour l'intrigue et la série elle-même. C'est un peu le cas ici, en ce qui me concerne. Ce troisième volume apporte pourtant des éléments neufs, dont le moindre n'est pas de nous révéler qui sont les meurtriers en série à l'oeuvre dans Physalia depuis le premier album. Peut-être le lecteur sent-il juste un peu trop le temps qui passe, peut-être attendit-il en roue libre qu'on lui apporte la solution, une issue à cette histoire angoissante. Les profils des protagonistes restent soignés, de même que la mise en scène. La relation entre Mikky et Nando est également en constante évolution et nourrit l'album. Quant au suspense, il demeure entier ; la dernière planche relance d'ailleurs totalement l'attention (autant que la tension) du lecteur. Joël Parnotte nous a habitué a ses personnages de caricature -petit corps, grande tête- mais il en remet peut-être parfois un peu trop ici, ce qui ne correspond pas nécessairement au côté oppressant du scénario. En revanche, ses scènes sous-marines sont très efficaces et son découpage reste parfait.
L'échine du dragon (Moréa) par Thierry Bellefroid
« L'échine du dragon », tome 2 de Moréa, par Arleston et Labrosse. Chez Soleil.

Moréa reste assez éloignée des autres séries qu'anime Arleston. Elle n'est pas pour autant dénuée d'intérêt, loin de là. Au contraire, même, on a l'impression qu'elle bonifie avec l'âge. Le premier album se donnait des allures de Largo Winch du futur. Le second est plus original sans perdre son souffle ni vendre son âme. Le dessin de Labrosse a beaucoup progressé entre les deux, ce qui ne gâche rien. Résultat, Moréa et son ange gardien le chevalier Terkio, s'en vont se jeter dans la gueule du loup à Miami, dans ce pays qui est devenu une dictature religieuse rétrograde et qui ne respecte rien de ce qui vient de l'étranger (pas même les avocats) : les Etats-Unis. Beaucoup d'humour, de l'action, des rebondissements, Arleston nous propose là un délassement de vacances comme on les aime.
Pascin - tome 6 (Pascin) par Thierry Bellefroid
« Pascin » tome 6 par Joann Sfar. A L'Association.

De moins en moins romancée, de plus en plus imaginaire, cette biographie du peintre Pascin. Et surtout, de plus en plus érotique. Même si le sexe y a toujours été l'un des éléments centraux, Joann Sfar ne parle cette fois presque de rien d'autre. La peinture, ce n'est plus le souci principal de Pascin, ici. Au contraire, il faut beaucoup de persuasion à Lucy pour le pousser encore à prendre ses pinceaux. Sfar, en revanche, ne se fait pas prier. Son dessin totalement libéré flirte même durant quelques pages avec le tachisme. Ça sent les après-midi de dessin libre sur des cartons de bière, les exercices de défoulement entre un Grand et un Petit Vampire.
Sfar se lâche, c'est trash, c'est cru, c'est fort. Il ose tout, jusqu'à la non-traduction de plusieurs pages de conversation en anglais entre Pascin et un bel américain à qui le peintre aimerait apprendre les vertus du sexe « à la française ». Bisexuel mais pas avec n'importe qui, le Pascin, puisqu'il repousse les assauts pleins d'humour d'un autre homme juste après, ce qui nous vaut une page et demie de dialogues magistraux. Et d'expliquer ensuite la raison qui le pousse à faire l'amour avec des hommes : face à eux, au moins, il ne souffre pas de la comparaison avec son père.
Alors qu'on atteint presque les deux cents pages, cette oeuvre réalisée sans filet et sans tabou bouscule les plus audacieuses BD dites « modernes ». Sfar y apporte la preuve qu'on peut tout montrer, tout dire... à condition d'avoir du talent. Et bon dieu, qu'est-ce qu'il en a !
Farniente par Thierry Bellefroid
« Farniente », par Lewis Trondheim et Dominique Hérody. A L'Association.

Quand on y pense, une bonne BD, c'est d'abord le mélange réussi d'un bon dessinateur et d'un dialoguiste de talent. Normalement, tout ce qui fait « l'écriture » dans le roman y est remplacé par le dessin -même si certains ont évidemment recours à la voix off (sans aller jusqu'à l'overdose genre « Blake et Mortimer »...). Ici, la mise en scène est épurée à l'extrême et toute précision serait inutile au lecteur. Pas besoin de savoir où ça se passe, on s'en fout. Une plage, le bord d'une piscine, n'importe laquelle, un couple qui a déjà quelques heures de vol, dont l'homme et la femme se connaissent par coeur, se jaugent, se lancent de petites compétitions... C'est cela que Lewis Trondheim est parvenu à rendre avec brio dans ces saynètes à la fois drôles, caustiques et si finement observées. Dominque Hérody leur donne vie, sans en faire trop, juste du bout des doigts. Et c'est très bien comme ça.
L'étrange refuge (Tongue Lash) par Thierry Bellefroid
Je viens de lire... « Tongue Lash », par Lofficier et Taylor, chez Pointe Noire.

Dave Taylor a manifestement beaucoup d'admiration pour Moebius. Difficile de ne pas voir que le dessin de ce Britannique (qui a publié aux USA) est largement inspiré de celui du maître français de la SF. Ce qui ne l'empêche pas de faire penser à Boucq pour son héros, Lash, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Bouche du Diable, ou à l'univers de Bilal, en ce qui concerne les personnages à tête animale. Bref, ce que Taylor amène de plus personnel dans ce projet semble surtout se résumer au stylisme. C'est vrai que les tenues de sa sensuelle héroïne ne passent pas inaperçues. Là, manifestement, Taylor s'est lâché, même si on peut parfois se demander ce que ça apporte à l'histoire...
L'histoire, eh bien parlons-en. Randy et Jean-Marc Lofficier nous proposent une enquête un rien glauque et souvent tortueuse qui s'achève dans le métatemps. Le tout dans une société maya moderne aux moeurs joliment déliquescentes. Livré au lecteur sans mode d'emploi, leur monde au vocabulaire extrêmement codé n'est pas facile d'accès, mais il a sa cohérence. Scarlett Smulkowski, quant à elle, abandonne sa palette de couleurs habituelle et « fait », elle aussi, du Moebius. Sans doute à la demande des auteurs.
Les nouvelles aventures de Harry par Thierry Bellefroid
« Les nouvelles aventures de Harry ». Par Al Séverin. Chez Several Pictures.

Après nous avoir enchanté avec "Harry sauve le monde", Al Séverin remet le couvert, toujours en auto-édition, mais il choisit un format d'album plus mince. Seize pages luxueusement imprimées sur un papier cartonné et reliées à la main ; du Séverin tout craché. Cet homme-là aime les beaux objets et le noir et blanc qui vit. C'est vrai que même si Harry ne bondit pas aux commandes de l'éclair dans cet épisode très urbain, chaque scène d'action est pour l'auteur un prétexte tout trouvé pour effectuer des figures libres plus acrobatiques les unes que les autres. Séverin est né avec un crayon en bouche, c'est évident, il dessine comme un dieu et on a l'impression que tout le monde s'en fout ! La critique lui reconnaît un talent évident depuis des années. Pourtant, après s'être longuement battu en justice pour récupérer les droits de son héros, ses albums auto-édités n'ont jamais dépassé les mille exemplaires. Pour être exact, signalons que l'auteur a délibérément choisi cette voie et qu'il ne désire pas retrouver le chemin des « écuries officielles » qui lui permettraient cependant de trouver aussi celui du succès en librairie.
Poupées russes (Makabi) par Thierry Bellefroid
« Poupées russes », tome 1 de Makabi. Par Luc Brunschwig et Olivier Neuray. Dans la collection Repérages des éditions Dupuis.

Brunschwig est un fameux tordu, on le savait déjà mais il en fournit ici la preuve évidente. Avec un machiavélisme consommé, il retourne le lecteur à chaque fin de scène. Faites l'expérience. Chaque fois que vous pensez avoir à faire à une situation, vous finissez par vous apercevoir qu'elle n'est pas conforme aux apparences. Exemple : l'excellente scène d'ouverture. Une gosse laisse tomber son nounours par terre en se rendant aux toilettes dans une station d'essence, escortée par un type en noir qui a l'air de tout sauf d'être son papa. Sur le nounours, les mots suivants ont été écrits « Help, it's a kidnapping ». Un scénariste normal, à ce moment de l'histoire, se demanderait comment faire réagir les différents protagonistes pour tirer le meilleur parti de cette situation. Luc Brunschwig, lui, se demande comment faire pour que la situation elle-même surprenne le lecteur et influence les comportements des différents acteurs. Il renverse la situation : les ravisseurs sont flics et la pseudo-kidnappée n'a trouvé que cette technique pour leur fausser compagnie. Tout l'album est construit sur ce schéma. Quand il faut que la jeune femme russe qui a échappé à un réseau de prostitution ait un ange gardien, le scénariste fait appel à un héros qui travaille au FBI... comme chef comptable. A force, on ne peut être qu'admiratif devant cette inventivité. Mais le revers de la médaille est évidemment que le lecteur manque un peu de repères et que lorsque le chef comptable se transforme en justicier sous le nom de Makabi, il se demande d'où vient cette transformation. Brunschwig n'est pas le genre de scénariste à balancer des éléments de scénario au hasard, on peut donc imaginer qu'il a encore un plan démoniaque derrière la tête pour nous expliquer comment le gentil Lloyd Singer devient le super Makabi. En attendant cette explication, on est tout de même très désappointé à la fin de ce premier épisode. Reste une histoire travaillée, intelligente, des personnages fouillés et inattendus, une maîtrise parfaite du découpage.
Un mot, tout de même, du dessin d'Olivier Neuray, dont on a beaucoup aimé les Nuits Blanches (la série qu'il animait sur un scénario de Yann chez Glénat). Son casting est assez réussi, le dessin est fluide, il fait exister les personnages. Mais il n'a peut-être pas la grâce qu'avait « Nuits Blanches ». Cela tient-il au changement de contexte, qui l'amène à traiter une aventure contemporaine ? Possible. En tout cas, il évite un écueil dangereux : celui des scènes « hard » rendues nécessaires par le scénario, et qu'il traite avec ce qu'il faut de pudeur pour ne pas sombrer dans le vulgaire.
Bref, un album qui est comme son titre, composé de poupées russes. A vous de les ouvrir une par une.
« La passagère du Capricorne », tome 1 de la série « El Nino », par Perrissin et Pavlovic. Aux Humanos.

L'une des bonnes surprises de l'été. Scénariste de la « Jeunesse de Barbe-Rouge » et, depuis 99, de la série principale « Barbe-Rouge », Christian Perrissin semble avoir trouvé ici une histoire à sa mesure. Son héroïne est atypique : une infirmière d'origine gitane travaillant pour le CICR. L'histoire est originale, même si l'on peut parfois se poser quelques questions sur le découpage. Perrissin nous balade d'un bout à l'autre du monde, dans une enquête humaine menée par Véra pour retrouver le jumeau qu'elle n'a jamais connu. Le dessin de Pavolvic vise l'efficacité et réussit à donner un charme réel à l'héroïne sans trop tomber dans les clichés esthétiques habituels. Seule ombre au tableau, le personnage du « Cap'tain Bligh », sosie de Steven Seagal (si ce n'est qu'il a la peau moins lisse) qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Mais à part ça, ce « Nino » vous fera passer un excellent moment.
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